UJFP
COMMUNIQUÉ DE l’UJFP ET INTERVENTION D’HÉLÈNE KORB POUR L’UJFP — 7 SEPTEMBRE 2025
J’interviens au nom de l’Union Juive Française pour la Paix (UJFP), qui est une association juive antisioniste. Nous avons trois axes de mobilisation :
- contre le génocide et l’épuration ethnique en Palestine ;
- contre tous les racismes sans chercher à privilégier ou minimiser l’antisémitisme ;
- pour la défense des libertés publiques face aux risques de fascisation.
Notre association est ancrée dans la mémoire du processus ayant conduit au génocide nazi. Nous sommes aujourd’hui mobilisés non seulement contre l’antisémitisme, mais aussi contre le racisme d’État ciblant notamment les populations issues de l’immigration coloniale ou postcoloniale : les musulmans ou supposés tels, les populations noires, arabes.
Une partie de ma famille proche a été exterminée au cours du génocide nazi, et une autre partie, dont mes parents, a pu y échapper grâce à la solidarité et à l’esprit de résistance.
L’UJFP fait partie de nombreux collectifs pour une paix juste entre Palestiniens et Israéliens, une paix conforme au droit international, une paix respectant le droit à l’autodétermination du peuple palestinien.
Je rappelle que le droit au retour des réfugiés palestiniens est inscrit dans la résolution 194 de l’ONU et que le droit à la lutte armée de résistants contre un occupant est également inscrit dans le droit international.
En revanche quand l’État d’Israël agresse un autre État qui ne l’a pas agressé, ce qui était le cas par exemple contre l’Iran, il est totalement intolérable et contraire au droit international de réagir comme l’a fait la France en déclarant qu’Israël a le droit de se défendre.
Nous faisons partie de nombreux collectifs contre la politique coloniale, d’apartheid et génocidaire d’Israël, que ce soit en France, en Europe ou au niveau international, et notamment des collectifs juifs antisionistes, anti-apartheid ou anti-génocide. Ces collectifs s’opposent aux politiques coloniales ou néo-coloniales, racistes, expansionnistes, militaristes, du tandem Trump/Netanyahou et de ses alliés, dont la plupart des États occidentaux.
De plus en plus de Juifs, heureusement, se révoltent contre les crimes et les destructions à grande échelle, les tortures, les humiliations, le nettoyage ethnique et le génocide pratiqués par Israël au nom des Juifs du monde entier, ce qui ne peut qu’attiser l’antisémitisme. Antisémitisme qu’Israël utilise pour rallier sous sa bannière les courants fascistes antimusulmans tels que le Rassemblement National.
En Israël même, les réactions se développent et sont de deux types :
- il y a des mobilisations de solidarité avec le peuple palestinien, collectives ou individuelles, par exemple : celles des jeunes refuzniks, qui refusent d’être enrôlés pour massacrer les Palestiniens, celles des grosses ONG B’Tselem et « Les médecins pour les droits humains », qui ont publié un rapport détaillé expliquant que l’agression israélienne contre les Palestiniens de Gaza est un génocide, celles de personnalités qui étaient sionistes, dont Avraham Burg, ancien président de la Knesset et de Gideon Lévy, journaliste au quotidien Haaretz, qui a écrit le 3 août ce point de vue lucide que devraient méditer les supporteurs des décisions du président Macron : La reconnaissance internationale d’un État palestinien est une récompense pour Israël. Israël devrait remercier chacune des nations qui ont reconnu cet État, car cette reconnaissance sert de substitut trompeur à la seule mesure véritable qui aurait dû être prise maintenant : des sanctions. Cette reconnaissance est une substitution artificielle aux boycotts et aux punitions qui devraient être imposés à un État commettant un génocide. C’est un geste creux, un simulacre, par lequel les gouvernements européens hésitants et pusillanimes essaient de montrer à leur opinion publique en colère qu’ils ne restent pas silencieux. Mais reconnaître un État palestinien qui n’existe pas et n’existera pas dans un avenir proche — probablement jamais — revient en réalité à un silence honteux. Ces mobilisations sont souvent courageuses mais malheureusement très insuffisantes, parce que la grande majorité des Juifs israéliens veulent se débarrasser des Palestiniens ;
- et il y a aussi les mobilisations d’anciens responsables gouvernementaux, qui restent en réalité internes au régime colonial israélien.
Il faut savoir aussi que de nombreux Israéliens ont quitté Israël pour aller vivre dans d’autres pays, et que ceux qui restent sont souvent très va-t-en-guerre.
Concernant les autres pays, la mobilisation de nombreux Juifs étasuniens est remarquable, malgré les difficultés auxquelles ils sont confrontés.
L’UJFP est engagée dans un travail de solidarité avec Gaza. Nous avons promu ou participé à la construction d’un château d’eau, de réseaux d’irrigation, d’une pépinière, etc., mais la plupart des installations ont été détruites par Israël. Mais nos correspondants à Gaza continuent à contribuer dans la mesure de leurs possibilités à aider la population, que ce soit pour ses besoins alimentaires ou que ce soit pour la santé physique et psychologique des enfants. Et ils nous transmettent quasiment tous les jours des comptes rendus alarmants et des analyses sur la situation tragique à Gaza. Vous pouvez les lire sur le site de l’UJFP.
Nous développons nos activités dans deux directions : l’antisionisme, en participant aux mobilisations, en publiant des communiqués, des livres, en organisant des conférences-débats, des colloques, et l’antiracisme contre le racisme d’État et le sionisme d’État, ou philosémitisme.
Le racisme d’État vise en particulier les musulman-es, d’autres communautés liées à l’immigration coloniale ou post coloniale, et les rroms.
Le philosémitisme considère que les Juifs doivent être protégés en tant qu’étant de « bons élèves de la République » et solidaires du régime génocidaire israélien.
Les récentes prises de position de la France concernant la Palestine et Gaza nous conduisent non pas à approuver ces positions, mais à les dénoncer fermement.
La France participe aux largages de produits alimentaires. Ces largages non seulement ne couvrent qu’une très petite partie des besoins, mais sont humiliants et dangereux. Humiliants parce que vu l’emprisonnement et la déshumanisation de la population de Gaza, ils peuvent se comparer à des miettes jetées dans un zoo à des animaux affamés. Dangereux parce qu’ils tuent dans leur chute de nombreux Palestiniens. Dans un communiqué, l’UJFP qualifie ces largages de parodie d’aide humanitaire.
Je précise aussi que la France a conditionné la reconnaissance de la Palestine à des clauses inacceptables : une démilitarisation totale de la Palestine face à Israël ultra militarisé, la reconnaissance de l’Autorité Palestinienne, qui est largement discréditée par les Palestiniens du fait de sa collaboration sécuritaire avec Israël, et l’exclusion du Hamas qui en réalité sert d’épouvantail pour exclure les représentants de la résistance palestinienne. Et il n’est jamais question ni de la libération des prisonniers palestiniens ni du droit au retour des réfugiés.
Vous avez certainement appris que suite à des tweets antisémites d’une réfugiée palestinienne (dont il faudrait éclaircir le contexte) notre ministre de l’Europe et des Affaires étrangères a décidé de suspendre l’accueil de nouveaux/velles réfugié-es, alors qu’il permet à des franco-israéliens ayant participé activement au génocide à Gaza de circuler en France sans être inquiétés.
Pour terminer je tiens à rappeler d’importantes mobilisations du mouvement de solidarité avec le peuple palestinien :
- l’embargo sur le commerce d’armes ou de composants d’armes avec Israël, le refus des coopérations militaires avec Israël ou des coopérations universitaires pouvant être utilisées à des fins militaires. L’UJFP travaille avec le collectif « Stop Arming Israël France », qui accomplit un travail remarquable ;
- le soutien aux mobilisations des dockers et des syndicats des transports aériens contre le transport d’armes ou de composants d’armes pour Israël ;
- le mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions), qui est un mouvement non violent de boycott des produits et prestations israéliennes, mouvement qui remporte de nombreuses victoires et dont l’une des mobilisations actuelles cible les magasins Carrefour, très complices de la colonisation israélienne ;
- l’engagement important des personnels soignants, en particulier des Blouses Blanches pour Gaza ;
- celui de nombreux journalistes, solidaires de leurs collègues palestinien-nes survivant-es ;
- celui de nombreux collectifs de juristes portant plainte contre des responsables français ou de l’Union européenne pour non-respect des résolutions internationales, notamment celles concernant la prévention et la répression du crime de génocide ;
- les mobilisations contre les entraves à la solidarité avec le peuple palestinien : poursuites de l’État contre des militant-es ou des associations, interdictions d’initiatives non violentes ;
- et la formidable mobilisation mondiale de la jeunesse malgré les répressions.
Le 9 août, le campement impulsé par l’UJFP Place de la Bastille à Paris a été démantelé. Et plusieurs militant.es ont été arrêtées, certain.es vont être poursuivi.es en justice.
Autre événement : le 10 août, Israël a assassiné le journaliste Anas al-Sharif et les autres membres de l’équipe d’Al Jazeera à Gaza. Ces assassinats ont clairement pour objectif d’empêcher la couverture médiatique du génocide et de mieux pouvoir continuer ce génocide.
Plus de 270 journalistes ont été assassinés depuis le 8 octobre 2023.
Plusieurs nouvelles flottilles pour Gaza, dont « Wawes of Freedom », que soutient l’UJFP et pour laquelle quarante pays se sont engagés, sont parties depuis différents ports. Elles constituent, l’expression a été utilisée, une sorte de « brigade internationale ».
Par ailleurs, une mobilisation a lieu par rapport au Crédit coopératif, banque qui se réclame de principes éthiques et qui était celle de l’UJFP pour les envois de fonds en Palestine. Cette banque a fermé le compte de l’UJFP malgré des rapports minutieux sur l’utilisation des fonds par leurs destinataires. Elle répond, sans autres précisions, qu’elle se conforme aux contraintes en vigueur. Face à cette situation, beaucoup de clients fidèles à la cause du peuple palestinien décident ou menacent de décider de quitter cette banque.
Je veux terminer en soulignant le fait que les personnes soucieuses des droits du peuple palestinien mais qui ont des disponibilités limitées du fait de leur situation professionnelle ou familiale ou de leur santé peuvent néanmoins contribuer aux mobilisations et à la solidarité de diverses manières et selon leurs compétences et moyens : en signant des pétitions ou en écrivant des lettres qui ont un impact, en participant à des campagnes de boycotts de produits israéliens, en intervenant dans les réseaux sociaux, en contribuant par vos dons aux projets menés par l’UJFP.
L’avenir est incertain et bien qu’il ne faille pas faire preuve d’un optimisme excessif, nous pouvons, nous devons persévérer. Le dicton « les petits ruisseaux font les grandes rivières » reste pertinent.
NE LÂCHONS RIEN !